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LIQUID EMPIRE

Margin's Europe

Schengen Summer School

Florian Hertweck

Can Onaner

Philippe Nathan

Université du Luxembourg

Cette démarche,  à la marge de l’utopie et de la dystopie, se propose d’imaginer un futur possible dans le contexte d’une migration internationale généralisée et de la crise des réfugiés qui en résulte. 

 

 En s’attardant sur le statut à la fois physique et symbolique des frontières,  la narration d’une nouvelle organisation possible du sol européen est établie : une Europe redessinée par les flux de migration des personnes marginalisées. Le point de départ de cette narration est le paradoxe d’une mobilité immobilisée : l’espace tampon.

 

   Dans le contexte de crispation des pays européens face à la migration des réfugiés, les espaces tampons sont les zones où sont relégués, les personnes qualifiées comme indésirables par les nations. La « Jungle » de Calais est l’exemple le plus flagrant d’une population tenue aux marges d’une frontière devenue zone tampon entre deux états. La frontière n’est plus simplement une ligne juridique, ni même un mur infranchissable, mais un espace à part entière, autonome, suspendu entre deux mondes, dont le statut juridique même devient instable. 

 

  Un autre exemple de zone tampon est celle que la Turquie voudrait établir entre elle et la Syrie, sur le sol de cette dernière, afin de loger une partie des trois millions de réfugiés qui sont sur son territoire. Si les Etats Unis n’approuvent pas ce projet, les multiples camps formels et informels sur la frontière entre les deux pays constituent de fait une zone tampon. A une autre échelle, nous pourrions dire que l’ensemble du territoire turc est aujourd’hui utilisé par les états Européens comme une zone tampon gigantesque pour contenir les réfugiés qu’ils ne désirent pas voir sur leurs places publiques. 

 

  Si ces zones tampons périphériques, marginalisées sur le plan spatial aussi bien que social et politique, augmentent d’années en années et que l’on arrive à considérer un pays entier comme une zone tampon, c’est que l’on accepte que le territoire mondial puisse être divisé entre espaces de valeur et espaces sans valeur. 

 

  Si de manière générale l’Europe et l’Occident espèrent pouvoir les rejeter à l’extérieur de leurs territoires, il semble tout de même plausible, étant donné l’absence d’une politique commune, que ces espaces tampons finissent par se creuser au sein du continent, entre les États Nations de plus en plus crispées. Une fois qu’Erdogan aura renforcé son accord avec Poutine et trahi l’accord européen, les frontières intra-européennes s’épaissiront pour engendrer des espaces tampons périphériques où seront rejetés les réfugiés affluant par millions. 

  Face à l’aveu d’échec et d’incapacité des instances publiques européennes, c’est la société civile qui sera alors amenée à se porter garante des droits humains dont l’Etat se déresponsabilise. C’est dans ce contexte que se mettra en place une tentative de convergence des luttes entre les réfugiés et les dissidents locaux. Les luttes sociales internes aux sociétés occidentales – lutte anticapitaliste pour une  meilleure distribution des richesses, revendication d’une meilleure gouvernance de l’espace public urbain, critique de la démocratie représentative bourgeoise et lutte pour une démocratie directe, etc. – trouveront leurs corollaires dans la lutte des réfugiés pour une nouvelle et meilleure existence. La convergence des besoins propres aux réfugiés et les revendications sociétales des mouvements civiques locaux se renforceront réciproquement sur le plan symbolique : l’arrivée des réfugiés dans les espaces occupés par les mouvements de révolte urbaine et le déplacements des dissidents vers les zones périphériques des nations européennes renforcera la position sociale des deux acteurs. 

 

  Si cette convergence est considérée aujourd’hui comme dangereuse, c’est qu’elle remet en cause l’ordre moral des pays européens en superposant les différents niveaux de la crise actuelle. C’est l’idée même d’intégration qui pourrait alors être questionnée et dépassée : ce seront dorénavant autant les dissidents locaux qui rejoindront les réfugiés dans leurs périphéries pour occuper les espaces tampons, que les nouveaux arrivants qui participeront de la quête des dissidents. Il y aurait moins un monde ancien dans lequel s’assimiler qu’un nouveau monde à créer en commun à partir des périphéries.

Vidéo reportage du workshop

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